Eviter le gaspillage et les déchets en redonnant une seconde vie à des objets encore en bon état, telle est l’idée qui a pris corps au Magasin pour rien, à Mulhouse, en Alsace.
Dans cette caverne d’Ali Baba, n’importe quel citoyen, pauvre ou riche, peut prendre trois articles de son choix et repartir… sans rien payer ! La gratuité, une idée neuve en Europe, mise en pratique dans ce lieu unique en France.
L’idée
C’est en visitant le quartier alternatif allemand de Fribourg que Roger Winterhalter, ancien maire écolo de Lutterbach (Haut-Rhin), a découvert ce concept de Magasin pour rien, « Umsonstladen », dans la langue de Goethe :
« L’idée de faire profiter des objets que l’on stocke dans nos caves ou greniers ceux qui en ont besoin, plutôt que de jeter, me semblait vraiment pertinente dans notre société de surconsommation. Mais je souhaitais aller au-delà des milieux alternatifs et favoriser la mixité sociale dans notre Magasin pour rien. »
Nul besoin de montrer patte blanche pour faire ses emplettes… gratuitement ! Il suffit de franchir la porte du local et de se servir en contrepartie d’un sourire. Derrière le comptoir, où un livre d’or remplace le tiroir-caisse, Mireille veille à ce que les personnes accueillies – une quarantaine chaque semaine sur trois demi-journées d’ouverture – ne repartent pas les mains vides.
« Ici c’est l’humain qui compte. Pas besoin de justifier sa situation sociale, la porte est grande ouverte à tous, dans le respect, la convivialité et la solidarité. »
Un mode de fonctionnement tellement inhabituel qu’il en surprend plus d’un. Ceux qui franchissent le seuil pour la première fois le font avec une certaine timidité. Ils sont vite rassurés par Mireille qui les accueille chaleureusement tout en leur expliquant le « mode d’emploi ».
« Nous avons nos habitués comme cette famille originaire du Kosovo, venue aujourd’hui avec ses deux enfants qui se font plaisir à dénicher un livre ou un DVD. »
En partant, les « clients » offrent une mine ravie à Mireille. Quant aux minots, ils demandent l’autorisation, toujours accordée, de se servir en bonbons disposés sur le comptoir avant de repartir les bras chargés d’objets (vaisselle, petit électroménager, jouets, etc.) qui leur seront bien utiles dans leur difficile quotidien de réfugiés.
Comment la mettre en pratique ?
Pour lancer le Magasin pour rien, en décembre 2009, Roger Winterhalter s’est appuyé sur un collectif d’associations regroupées au sein de la Maison de la citoyenneté mondiale dont il est aussi le fondateur. Il a ensuite trouvé un local et embauché Mireille, sous contrat aidé subventionné par l’Etat. Les frais de fonctionnement mensuels, de l’ordre de 500 euros une fois les subventions déduites, sont notamment assurés par les dons de particuliers. Et pour la première fois en 2011, la ville de Mulhouse lui a versé une subvention de 2 000 euros.
Dans cette initiative où le superflu des uns pourvoit au minimum vital des autres, s’illustre la conviction politique du fondateur :
« Il faut apprendre à recycler, réutiliser ce qui existe, pour promouvoir un mode de vie basé sur la décroissance. »
Pour cet ancien élu, pas question de misérabilisme, d’aide sociale ou de charité.
« Tout le monde peut donner ou recevoir ces objets. C’est une bonne chose pour la planète. Et l’anonymat de ceux qui donnent et reçoivent permet de respecter une certaine dignité et égalité entre les personnes qui fréquentent le Magasin pour rien, quel que soit leur niveau de vie. »
Ce qu’il reste à faire
Ouvert il y a bientôt trois ans, le Magasin pour rien de Mulhouse demeure une expérience unique en France. Elle cohabite de façon complémentaire avec des structures comme Le Relais, ou Emmaüs qui, elles, recyclent des objets mais en les revendant pour financer la réinsertion de ses compagnons.
Pour Roger Winterhalter comme pour Mireille Gigante, l’objectif est d’essaimer. Leur ambition : que des Magasins pour rien fleurissent dans l’Hexagone et à l’étranger. Il suffirait pour cela de bonnes volontés, d’une poignée de bénévoles animés par l’envie de modérer la société de surconsommation en instaurant des rapports qui ne sont pas basés sur l’argent… Une utopie ? Oui, mais réaliste, à en croire ses plus ardents défenseurs.
Source : Simone Sonntag pour rue89.com